Cooking Vinyl.
Les répercussions du vieillissement ne sont plus une fatalité : 12 albums en 20 ans et Ron Sexmith préserve le moelleux et réfléchit la lumière .
En disant cela j 'ai la sensation de réparer une injustice, et ne pensez pas que faute de grives on voit des lanternes et que les merles mangent des vessies! Un an et demi que l'album est sorti et le même temps infini pour arriver à mon cerveau, en tous cas pour s'installer. Mais là, en cette fin d'été, l 'évidence, d'un coup.
J'entends déjà les cris d'orfraie de certains, les mêmes qui ont tiré à vue à l'unisson et sans sommation sur l'album, au prétexte que Ron Sexmith avait mis le cran de sécurité et que la texture même de Long Player Late Bloomer donnait une sensation de densité parfois indigeste.
En gros, trop calibré et trop crémeux.
J'ai eu la tentation de partager cette impression, longtemps, et la faiblesse de penser que l'exercice tournait à l'exhibition.
Mon sentiment aujourd'hui, ma conviction, c'est que cet album est sorti dans un contexte difficile ( Fukushima au Japon, le " Printemps arabe", une crise économique mondiale omniprésente ) et dans une pèriode musicalement trustée par Adèle, puis les relais de Lady Gaga et Coldplay pour boucher l'horizon.
Alors quoi, la mondialisation encore une fois coupable?
Non, on le sait maintenant, l'album a bien fonctionné dans le marché de niche dans lequel Ron Sexmith excelle ( d'où le bien fondé d'un jugement à postériori ).
C'est principalement le ressenti qui a été vicié par le contexte et les évènements, et qui a trompé notre jugement premier.
D'autre part, Ron Sexmith est lui même en parti responsable.
En effet chez lui la matrice c est une pop spiralaire, c'est à dire qui ne triche pas, joue sur les acquis, décuple ses forces pour tenter d 'aller chaque fois plus loin, tout en se réaffirmant, et ainsi par couches progressives et successives, trimbaler toujours sur lui cinq ou six décennies d'expèriences musicales diverses et n'omettre aucune notion jamais! Ouf
Épuisant, mais c'est endogène chez lui, d'où l'impression désastreuse, laissée à chaud, d'un magnifique gâteau particulièrement chargé, qu'on aurait eu obligation de s'envoyer illico pendant un télé journal relatant les évènements sus - cités, avec Adèle en bande son et le potentiomètre sur maxi....
Car enfin, aucune délicieuse gourmandise au monde, même pur beurre, si elle est confectionnée dans les règles de l'art, ne mérite la potence et le chef pâtissier l'exile.
A charge au gourmand de s'en délecter en temps et en heure.
Voilà votre honneur pourquoi je demande la relaxe pour mon client, pourquoi je fais acte de contrition, et pourquoi je pense que la période est propice pour finalement se taper cette dite pâtisserie, au calme, sans scrupule et sans remord.